Logistique : transporter et manipuler des matières dangereuses

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Chaque matin, au sud de Bastia, en Corse, des chauffeurs viennent faire le plein d’hydrocarbures au dépôt pétrolier. Hormis un chiffre, noir sur orange à l’avant de la cabine, qui indique un transport de matières dangereuses et le type de produit transporté, il passerait presque inaperçu. Pourtant, ces chauffeurs constituent une catégorie à part, dans le secteur du transport. Ce sont eux qui transportent, en France, plus de 80% des produits dangereux, les hydrocarbures.


Le transport de matières dangereuses

Sur la route, ils vivent ainsi des moments particuliers, propres à la spécificité de leur métier. « L’approche des villes, par exemple, pour nous c’est toujours un moment sensible. Il y a une concentration de population, donc en cas d’accident, le nombre de victimes peut tout de suite être dramatique », explique ainsi Dumè L., chauffeur poids lourd matières dangereuses. « Je sais que l’Europe réfléchit en ce moment à un GPS intelligent, qui nous permettrait de prévenir plus rapidement les pompiers, les ambulances, les services médicaux… C’est une bonne chose. Les accidents avec des matières dangereuses sont rares mais l’augmentation incessante du trafic accroît les risques ».

Dans les ports, des mesures pour accroître la sécurité du transport de matières dangereuses, sont aussi à l’étude. Certains ports s’équipent pour pouvoir identifier rapidement toutes les cargaisons de matières dangereuses et leur destination. Le but, c’est de globaliser. Tous les ports connectés entre eux doivent pouvoir avoir les mêmes informations, au même moment et surtout au bon moment.

Résultat de ces nouvelles dispositions, mais aussi d’une législation nationale, européenne et internationale, qui ne cesse de s’étoffer sur le sujet, de nouveaux métiers très particuliers apparaissent dans le transport et la logistique. Des métiers dédiés aux matières dangereuses. Par exemple : les conseillers à la sécurité pour les transports de matières dangereuses. « Toutes les entreprises qui transportent, expédient ou reçoivent des matières dangereuses, doivent disposer d’un conseiller à la sécurité. Il est là pour aider à la prévention des risques liés aux opérations de chargement, déchargement et transport de marchandises dangereuses », explique François-Xavier Carbonne, président de l’Association Nationale des Conseillers à la Sécurité.


Du personnel formé et qualifié

Chaque type de transport (maritime, aérien, routier ou ferroviaire) a sa propre réglementation pour le transport de matières dangereuses. Il faut donc aujourd’hui des personnes qualifiées et compétentes pour identifier immédiatement les risques liés au transport d’un produit dangereux. Des personnes qui sachent aussi exactement quelles normes respecter selon que l’on circule sur un seul pays, ou que l’on traverse des frontières.

La qualification des chauffeurs poids lourds devient de plus en plus importante. « Tout conducteur de véhicule dont le chargement est composé de produits classés dangereux, a l’obligation pour pouvoir exercer son métier, de suivre une formation réglementaire validée par un examen, et la délivrance d’un certificat renouvelable tous les 5 ans », explique un formateur de l’AFTRAL, le plus grand pôle de formation dans ce domaine en FranceLa formation de base permet de transporter des produits dangereux en colis (bouteilles, GRV y compris) et en vrac benne, en véhicules citernes et véhicules batterie de moins de 1m3 ou conteneurs citernes de moins de 3m3. Ensuite, les chauffeurs disposant de cette formation de base peuvent se spécialiser dans le transport citernes, de produits pétroliers, de GPL et de classe 1.


La spécificité des entrepôts logistiques

Les entrepôts logistiques, eux aussi, sont de hauts lieux de manipulation de matières dangereuses ou toxiques. Ils nécessitent également des qualifications particulières. Exemple, à Genlis, dans un entrepôt spécialisé dans la logistique de produits à manipuler avec précaution. Des pots de peinture alignés à perte de vue sur plus de 12 000 mètres carrés.

La plateforme logistique dernier cri, construite il y a moins de deux ans, alimente les professionnels du bâtiment. Chaque jour, près de 20 000 bidons sont transportés vers des chantiers, en France et en Europe. Le site dispose d’une cellule spécifique pour les matières dangereuses et inflammables. Tout est aux dernières normes. « On a surtout pensé aux préparateurs, avec un renouvellement complet du parc matériel », explique le directeur. « On s’adapte bien sûr aux gestes et postures, avec des chariots de préparation à ciseaux. Le filmage manuel n’existe plus. Pour limiter au maximum les risques liés à la manipulation ou à l’inhalation, ces postes là sont entièrement automatisés. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’embaucher. Nous recherchons de plus en plus de techniciens logistiques spécialisés dans les matières dangereuses. C’est un fait ».

Une procédure très précise a également été mise en place, pour permettre une manipulation sécuritaire des produits. Dès l’entrée des matières dangereuses dans l’entreprise, au niveau du quai de réception, on vérifie si tout a bien été véhiculé selon le respect de la règlementation sur le transport de matières dangereuses. Puis, des normes d’entreposage strictes doivent être observées au moment du stockage. Même chose lorsqu’il y a du reconditionnement à faire, ainsi que pour l’élimination des déchets.

Si l’entreprise doit retourner des produits abîmés, invendus, des barils de solvants usés ou vides, des combinaisons de travail souillées… Elle doit fournir un document d’expédition et s’assurer que les contenants sont lisiblement et correctement identifiés.


Une responsabilité à tous les niveaux de la chaîne logistique

De manière générale, sur ce type de supply-chain, l’acheteur de matières dangereuses doit s’assurer que son fournisseur ou son expéditeur respecte les prescriptions légales sur le transport des marchandises dangereuses. Le technicien logistique affecté à la réception des marchandises dangereuses doit être formé et disposer d’une attestation le certifiant. Une réactualisation de la formation et de l’attestation est obligatoire tous les trois ans. Le technicien logistique affecté, lui, à l’entreposage des matières dangereuses, devra savoir procéder en fonction des risques présentés (gaz comprimés, matières inflammables et combustibles, matières comburantes, matières toxiques, matières corrosives…) et observer les mesures de sécurité adéquates.

Les travailleurs qui utilisent des produits contrôlés, doivent être formés sur les risques les réactions adaptées en cas d’accident.

C’est crucial, car toute la chaîne des responsabilités est engagée :

  • la direction ; responsable de la mise en place des procédures concernant la réception, l’entreposage, la manipulation, l’utilisation et l’élimination des matières dangereuses, le choix des transporteurs et des sous-traitants
  • les cadres logistiques ; responsables de l’application des procédures au sein de leurs équipes, de la formation du personnel, de la conformité des étiquetages
  • les techniciens ; respect des procédures, respect des consignes de sécurité pour le port d’équipements adaptés, etc…
  • le Comité de Santé et de Sécurité de l’Entreprise ; suivi régulier, proposition de correctifs à la Direction pour améliorer les mesures en place, etc…



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